La 29e édition du Festival international des Jardins se tient jusque début novembre au domaine de Chaumont-sur-Loire et invite cette année à réfléchir sur le concept de la “Terre Mère”. Certaines créations mettent notamment en lumière la résilience de la nature dans un paysage largement anthropisé.
Jusqu’au 1er novembre, le domaine de Chaumont-sur-Loire accueille sa nouvelle édition du Festival international des jardins. Au total, 24 équipes de professionnels du paysage ont été choisies par le jury, auxquels s’ajoutent cinq invités spéciaux qui bénéficient d’une carte verte, à l’instar du designer français Patrick Nadeau.
Parmi les 30 jardins, certains ont bien failli ne pas voir le jour. En effet, cette édition 2020 très internationale, où sont présentes des équipes venues d’Inde, – dont le jardin est labellisé Extérieurs Design–, du Brésil, d’Irlande, d’Allemagne, d’Italie ou des Pays-Bas -, s’est vue bousculée par la crise sanitaire. Certains n’ont pu se rendre à Chaumont pour terminer, voire commencer, leur jardin. C’était sans compter sur les équipes du domaine et quelques entreprises locales – terrassiers, ébénistes, peintres… – qui ont pris le relais pour achever les réalisations à temps.
La 29e édition du Festival international des Jardins invite les paysagistes, designers, urbanistes, agronomes ou biologistes retenus à s’interroger sur le concept de la “Terre Mère”, nourricière et source de vie. Parmi eux, certains se sont intéressés à la notion de résilience de la nature qui, malgré l’intervention dévastatrice de l’homme, parvient à reprendre ses droits. En voici trois exemples.
“Résilience et Anthropisme” – Éric Lenoir
“Résilience et Anthropismes” est un jardin manifeste, qui vise à transmettre un message lucide : il faut abandonner les pratiques nuisibles à notre écosystème et réapprendre à créer une relation avec la Terre Mère nourricière. Ce message est appuyé par la résilience dont fait preuve la nature : malgré les bouleversements climatiques, l’artificialisation des terres arables et des espaces sauvages, les pollutions diverses ou encore la course aux gains, elle reprend ses droits sur les milieux investis par l’homme. Une résilience qu’Éric Lenoir illustre à merveille.
Le jardin ouvre sur un mur en parpaing, illustration que ce que l’humain fait est laid “et qu’il faut s’en passer”, selon le paysagiste de l’Yonne. Ce vestige de l’industrialisation et de l’artificialisation des sols par l’urbanisation présente une double signification : pour l’homme, il symbolise un bouclier; pour l’écosystème, c’est une prison. Puis le béton se transforme en torchis. Ce mélange de paille et de terre “naturel et fonctionnel, réparable à l’envie et à vie”, soutient Éric Lenoir, est réalisable par l’homme. C’est alors qu’apparaît la résilience, à travers une fenêtre creusée dans ce mur. Là, reprenant la forme d’un cœur, à l’image de la cellule originelle, le jardin s’axe autour d’un arbre qui semble mort. Cette zone sanctuarisée, qui “illustre que l’homme n’a pas accès à tout”, explique le pépiniériste, permet aux résurgences de cet arbre de se développer. La couleur rouge apparaît en diverses nuances de façon ponctuelle dans cette source de vie – principalement par le biais des plantes – se faisant l’allégorie des vaisseaux sanguins irrigués par le cœur, des blessures et du processus de guérison.
Le déroulé, qui longe le jardin, fait cohabiter des espèces végétales utiles à l’humanité – arbres fruitiers, les plantes potagères et aromatiques – et d’autres, a priori sans intérêt ou toxiques, mais qui, par leur action sur la transformation des milieux malmenés, leur utilité pour la construction, la biodiversité à retrouver ou par les molécules qu’elles recèlent, s’avèrent tout aussi prépondérantes. Une façon de mettre en avant la méconnaissance de l’humain : les plantes n’ont pas qu’une utilité culinaire ou médicinale, mais aussi un rôle à jouer dans l’écosystème.
“Régénération” – Catherine Baas, Jeanne Bouët et Christophe Tardy
“Régénération “ met en avant le renouvellement incessant de l’environnement, qui s’est enrichi d’espèces utiles à l’humanité, tout en gardant sa force protectrice. La Terre Mère apparaît ici généreuse et abondante, la résilience n’a pour but que la réparation ou la préservation de ce qui est. Le jardin de Catherine Baas, artiste plasticienne environnementaliste, Jeanne Bouët, paysagiste conceptrice, et Christophe Tardy, docteur en biologie, illustre bien cette idée de l’effondrement et du cycle de la vie. Sept lauriers de Caroline, dont le nombre fait référence aux sept jours de la Création, dans leur pot, se renversent ici progressivement. Les différentes postures de la chute sont comme des arrêts sur image : l’arbre réagit, essaye de repartir à la verticale en projetant ses branches vers le ciel, puis se dissout dans le sol. Ce déséquilibre devient ensuite une richesse pour la végétation future. Le parcours est enrichi de micro-jardins pédagogiques, véritables paysages lilliputiens qui illustrent la biodiversité en climat sec, tropical et forestier.
“Souvenir du futur” – Alice et Nicolas Stadler
“Souvenir du futur” interroge sur notre futur et la manière dont nous devons nous y préparer, avant qu’il ne soit qu’un souvenir. Pour cela, Nicolas et Alice Stadler, couple de designers qui ont réalisé le jardin labellisé Extérieurs Design en 2017, considèrent qu’il faut faire preuve de résilience et revenir à l’essentiel. Au milieu du jardin, une sphère de terre flotte sur l’eau. Cette boule de chaux et de chanvre, réalisée par le maçon et pompier David De Oliveira, est une allégorie de notre habitat : notre planète est infime comparée à l’immensité de l’univers.
À mesure que l’on pénètre dans le jardin, la sphère se révèle être un habitat constitué du strict nécessaire pour vivre dont un lit, une chaise et une table. Autour, le jardin est composé de plantes comestibles et médicinales qui rappellent le caractère nourricier de la Terre Mère, à condition bien sûr que l’on en prenne soin.